Le 3 septembre 2020
Début septembre, l’été se poursuit, même si beaucoup d’estivants sont repartis. Les paysages gardent leur aspect austère de lutte contre la sécheresse. Malgré de fortes chaleurs, la sécheresse n’est pas aussi extrême que celles que nous avons connues voici 3 et 4 ans : les arbres encaissent, aucun ne se dessèche, même les Acacias qui sont souvent les premiers à rendre les armes en fin d’été.
La semaine dernière, un orage nous a apporté 10 mm de pluie : c’est modeste, et cela a suffi à certaines plantes pour déclencher une floraison éclair.
Un avant-goût d’automne
Dans les Canaries endormies, les Drimia maritima (les scilles maritimes) ont sorti leur long pédoncule avec une inflorescence encore en boutons, les grandes Euphorbia broussonetii font timidement quelques feuilles, et surtout les Kleinia neriifolia débutent en fanfare leur floraison comme si l’automne était déjà arrivé ! Certes, la pluie a servi de déclic, peut-être le raccourcissement des jours a-t-il aussi servi de déclencheur.
La floraison de Kleinia neriifolia, dans le jardin des Canaries, débute dès les premiers signes de l’arrivée de l’automne
En Afrique du Sud, un bulbe aussi a réagi à la pluie : ce sont les Amaryllis belladonna. Après avoir vu leurs feuilles complètement se dessécher durant l’été, nous assistons en un temps record à l’explosion des inflorescences roses : en restant assis – patiemment – sur un tabouret lors de la sortie du pédoncule floral, il devrait être possible de le voir pousser, 40 cm en 24 heures ! Une floraison possible en l’absence totale de feuilles, uniquement alimentée par les réserves du bulbe.
En Amérique aride, un cactus cierge a attendu cette pluie pour exhiber une floraison exceptionnelle : c’est l’Echinopsis pachanoi. Son nom quechua est Wachuma (ce qui signifie ivresse et vertige), et en espagnol Cardon San Pedro, le Cactus Saint-Pierre, du nom du saint qui ouvre les portes du paradis… L’odeur des fleurs est sublime, elle attire son pollinisateur, une chauve-souris buveuse de nectar. Ce cactus est originaire des Andes, où il pousse vers 2 000 m d’altitude, au Pérou, en Bolivie et au Chili.
La nuit, d’autres visiteurs s’invitent au jardin
Parlons aussi des animaux fréquentant le jardin : durant tout le printemps (très calme…) et l’été (plutôt agité), nous avons disposé un piège-photo pour suivre l’activité nocturne de nos cousins mammifères.
Une famille de renards roux Vulpes vulpes fréquente assidument le Domaine, et inspecte systématiquement tout le jardin chaque nuit, à la fois pour marquer son territoire et pour chercher pitance.
Les fouines Martes fouina sont omniprésentes dans le jardin, très agiles, bonnes grimpeuses, très, très curieuses des nouveautés.
Un blaireau Meles meles déambule aussi dans le jardin toutes les nuits : cet individu s’est particulièrement attaché à visiter la pépinière de production à la recherche d’invertébrés attirés par la fraîcheur du sol, promesse de bonnes récoltes d’invertébrés, plat préféré des blaireaux. Le pépiniériste installe des clôtures en ganivelles pour que le blaireau arrête de mettre le waï* et chaque nuit le blaireau revient… et franchit les clôtures. Comment le blaireau fait-il pour se jouer de ces ganivelles ? Le piège-photo nous apporte la réponse ! C’est un excellent grimpeur, et il fait fi des clôtures escaladables !
* mettre le waï : en provençal, semer un grand désordre. Le mot waï vient du napolitain guaï qui signifie désordre, désolation, grand malheur. Les Napolitains furent nombreux à immigrer en Provence au XIXe siècle, et aujourd’hui beaucoup de Provençaux portent des noms de famille d’origine transalpine.
Alain Menseau
Chef jardinier au Domaine du Rayol