Le 31 mars 2017
Insensiblement, la longueur du jour a rattrapé celle de la nuit : c’est l’équinoxe. Les rayons du soleil sont juste à la perpendiculaire de l’axe des pôles. Partout sur terre, la longueur du jour et de la nuit sont à l’équilibre. Une grande effervescence agite tous les oiseaux du jardin. C’est pour eux, comme pour les plantes et leur floraison, l’époque de la reproduction, de la construction de nids. Les parades amoureuses animent le jardin.
En ce tout début de printemps, le maquis refleurit
Les Bruyères arborescentes sont blanchies par leur floraison abondante. Dans les prairies, les jaunes arrivent avec les crépis et les moutardes. En bord de mer, l’Anthyllis commence à sortir sa barbe blanche. La Germandrée arbustive nous gratifie de ses délicates fleurs bleu pâle. Le Laurier noble accomplit sa discrète mais odorante floraison. Les tapis de grandes pervenches deviennent maintenant tout bleus. Sur les endroits plus rocheux, la Lavande des Maures est aussi en fleur. Et dans la grande perspective, les premières Serapias pointent leur nez.
Les jardins en floraison
Dans le Jardin des Canaries, extension du climat méditerranéen au large des côtes africaines, c’est le grand réveil et les floraisons des Vipérines, les bleues et les blanches. L’Euphorbe pourpre débute sa floraison, le Nauplius se colore de ses grosses étoiles jaunes, l’Oseille lunaire fleurit discrètement, quoique abondamment, et le Retama finit sa cascade blanche. Dans la laurisylve, le géranium des Canaries tapisse de rose le sous-bois, et la liane Canarina laisse entrevoir une grosse floraison orange en clochette.
Puis, en traversant le Jardin d’Australie, six espèces d’Acacia sont encore en fleur. Les Grevillea et les Melaleucas divers continuent leurs floraisons rouges ou blanches, et l’arbuste à la fleur de cire de Geraldton (au nord de Perth) commence sa longue, longue floraison…
Quand on arrive dans le Jardin de Californie, le sol est recouvert d’un tapis de Freesias, avec des lupins bleus. Les Ceanothes enchantent les visiteurs de leurs nuages bleus.
En continuant dans le Jardin du Chili, la lente ascension des inflorescences du Puya chilensis est surprenante. Juste en face, les Lys des incas débutent leur floraison orange. Quelques pompons jaunes apparaissent sur le Vachelia caven, le mimosa chilien.
C’est en arrivant dans le Jardin d’Amérique aride que l’on se rend compte que l’Agave attenuata poursuit son incroyable floraison exubérante.
C’est dans le Jardin d’Asie subtropicale que nous allons nous promener. Les Glycines répandent leur parfum capiteux, ainsi que le jasmin primevère Jasminum mesneyi. Dans la clairière des Caryotas (les palmiers céleri), c’est le festival avec la pleine floraison du Lorapetalum chinense, en floraison blanche ou rouge éclatant, des Raphiolepis roses et un superbe tapis d’Iris japonica d’une délicatesse exquise. Un peu à l’écart, un énorme Photinia serratifolia nous gratifie de son abondante floraison blanche à l’odeur équivoque.
Enfin, attardons-nous dans le Jardin d’Afrique du Sud. Le fynbos est en fleur, les Protées, un Leucospermum toujours si surprenant, tous les Leucadendrons, plusieurs espèces d’Aloe dont un énorme Aloe marlothii et un gros Aloe ferox, l’Anisodontea avec sa floraison mauve, les bruyères africaines, les Pelargoniums, les buissons confettis Coleonema, les Dimorphoteca ecklonis blancs et violets qui ne s’ouvrent qu’au soleil, la grande mélianthe et les Polygala. Au sol, l’Oxalis et les Freesias tapissent de jaune et de blanc toutes les clairières du jardin. Les petites Dimorphoteca sinuata constellent de leurs petites étoiles jaunes et orange les interstices. L’Erythrina lysistemon continue et densifie son nuage d’inflorescences corail. Quel spectacle !
La coévolution entre plantes et animaux
Depuis un mois, dans ce paysage si bluffant d’Afrique du Sud, nous observons un phénomène inconnu au nord de la Méditerranée. Les inflorescences rouges des Chasmanthes, des Aloes et des Mélianthes sont visitées par des passereaux bien de chez nous, des mésanges bleues Cyanistes caeruleus, et des fauvettes à tête noire Sylvia atricapilla, viennent boire le nectar qui se trouve à l’intérieur des fleurs !
C’est ainsi que naturellement, elles se poudrent de pollen et assurent la pollinisation. C’est nouveau, nous ne l’avions jamais vu, et à notre connaissance, c’est unique en Europe. Ces fleurs sont butinées par des oiseaux en Afrique du Sud, elles savent donc attirer les oiseaux par la couleur rouge de leur floraison, le rouge étant une couleur visible essentiellement par les oiseaux. Le nectar a un gout qui plaît aux oiseaux, et les deux espèces concernées ont un régime alimentaire végétarien l’hiver, qui deviendra plus carnivore (larves d’insectes, limaces, etc) lors de l’élevage des jeunes.
La coévolution mise en place en Afrique est si résiliente, si robuste dans le tissage des liens entre plantes et animaux, que les plantes vont de nouveau « attirer » des oiseaux à la biologie équivalente à celle de ceux qui les pollinisent en Afrique du Sud. Nous observons, ébahis, la mise en place d’un nouveau biome métisse entre Afrique et Europe, tel que l’avait prédit Gilles Clément.
Les jardiniers du Domaine du Rayol