Le 13 octobre 2020
Ces dernières années, une attention particulière est portée à nos abeilles, les reines de la pollinisation. Elles sont en effet en déclin depuis la mondialisation à cause des pesticides, des hybridations entre espèces, et des attaques des différentes espèces de prédateurs exotiques comme le frelon asiatique. Bien que ces dernières soient essentielles à l’équilibre de nos écosystèmes, ce ne sont pas les seuls pollinisateurs indispensables à disparaître de nos jardins. Les diptères souffrent aussi de l’activité humaine et sont, malgré les préjugés, des insectes très utiles et efficaces, notamment pour la pollinisation.
Les mouches et moustiques font partie de cette famille et sont souvent considérés comme nos pires ennemis. Malheureusement, ce sont les seuls diptères connus du grand public. Il existe néanmoins une immense variété de diptères : 100 000 espèces ont été recensées dans le monde. Nous en croisons chaque jour dans nos jardins sans même savoir que ce sont des mouches.
Alors, qu’est-ce qu’un diptère ?
Les diptères sont des insectes à une seule paire d’ailes, contrairement aux autres insectes qui en comptent deux. Cette deuxième paire est souvent atrophiée en forme de petits bâtonnets, et sert de balancier. Grâce à ces deux membres, les diptères ont une stabilité remarquable, leur permettant d’effectuer des vols stationnaires. Ils sont reconnaissables grâce à leurs yeux proéminents, qui sont composés de multitudes de facettes, ou mini-yeux. Certains diptères ont des yeux tellement gros qu’ils peuvent voir simultanément devant, derrière, et sur les côtés. Ces insectes ont bien des secrets à nous révéler, alors prenons le temps de les observer.
Des morphologies adaptées au butinage
Selon leur morphologie et leur mode d’alimentation, les diptères ont des rôles plus ou moins importants dans la pollinisation. Les bombyles sont particulièrement bien adaptés car ils possèdent une trompe très longue, qui leur permet d’aspirer le nectar d’un grand nombre de fleurs. Ils sont de plus recouverts de longs poils qui leur donnent une allure de bourdon. Les poils sont des attrape-pollens très efficaces, ce qui fait de lui un grand transporteur de pollen. Ils sont en concurrence avec les syrphes, qui sont bien plus nombreux, et aussi très efficaces.
Les syrphes, de fausses guêpes inoffensives et très actives
La moitié des diptères font partie de la famille des Syrphidae, ou syrphes. Ils ressemblent pour la plupart à des guêpes : rayures jaunes et noires, taille fine, mais comme toute mouche, ils n’ont pas de dard. La ressemblance est parfois tellement flagrante, qu’on les confond aisément avec leurs cousines. On peut alors parler de mimétisme. Ce stratagème a pour but de ressembler le plus possible à une guêpe ou à une abeille, pour impressionner les potentiels prédateurs. Leurs yeux sont toujours plus gros que ceux des guêpes. Les mâles ont les yeux qui se touchent et ceux des femelles sont un peu plus écartés. Ces insectes se nourrissent pour la plupart de nectar de fleurs, ce qui permet la pollinisation des plantes.
Les syrphes vus au Jardin
L’une des espèces les plus courantes, Sphaerophoria scripta ou syrphe porte-plume se reconnaît à son abdomen fin, se finissant en plume à écrire. Les adultes se nourrissent de nectar de nombreuses fleurs comme le pissenlit et l’origan. Les larves quant à elles se nourrissent exclusivement de pucerons, comme de nombreuses autres larves de syrphes. Ces dernières ont la particularité de se nourrir de 50 à 100 espèces de pucerons différentes. Cela fait de ce syrphe un excellent outil de lutte biologique contre les invasions dans les cultures.
Le deuxième syrphe le plus commun est Episyrphus balteus, ou syrphe ceinturé. Cette espèce présente des doubles bandes noires sur le corps. La première est bien marquée et droite, la deuxième est en forme d’accolades. Au stade larvaire, ce syrphe se nourrit aussi de pucerons, et jusqu’à 150 espèces différentes. Ils consomment aussi probablement certaines cochenilles.
Une grande variété d’espèces est visible au Jardin. Certain ont le corps bien plus trapu en forme de bourdon, d’autres ont des pattes peu élégantes comme les Syrrita. Certaines ont des couleurs peu communes comme le Paragus noir à bout rouge. Ils sont parfois tellement petits qu’il est impossible de les reconnaître à l’œil nu. De par la diversité des espèces, ce groupe à lui tout seul a un rôle de régulateur de nos écosystèmes. La plupart des syrphes adultes contribuent à la reproduction des plantes. Les larves, quant à elles, sont soit coprophages et détritiphages – c’est-à-dire qu’elles se nourrissent d’excréments et de déchets organiques – soit aphidiphages, ce qui signifie qu’elles se nourrissent de pucerons. La première catégorie de larves a un rôle de recycleur : elles nettoient et enrichissent le sol. La deuxième équilibre les populations de pucerons.
Les syrphes sont donc à la fois d’excellents pollinisateurs à l’âge adulte, et de redoutables chasseurs au stade larvaire. Ils sont aujourd’hui fréquemment utilisés en lutte biologique dans l’agriculture.
Des mouches chasseuses
Pour finir sur les diptères, je tenais à vous présenter des mouches tout à fait remarquables : les Asilides ou mouches à moustache. Ce sont de grosses mouches, pouvant atteindre trois centimètres de long, uniquement carnivores, et particulièrement poilues. On les reconnaît à la touffe de poils qu’elles portent entre les deux yeux, appelée moustache. La larve se nourrit d’excréments, tandis que les adultes s’attaquent à des insectes parfois plus grands qu’eux : papillons, mites, libellules, punaises et même des guêpes et des abeilles. Ainsi elles régulent les populations d’insectes du jardin, et limitent la prolifération de certains ravageurs.
La famille des diptères est bien plus complexe qu’on peut le croire. Bien que ces insectes soient dépourvus de dard, ils peuvent être de redoutables chasseurs d’insectes nuisibles, et sont pour la plupart de grands pollinisateurs. Nos jardins favorisent leur prolifération car ils offrent de nombreuses fleurs sauvages méditerranéennes dont ces insectes raffolent. Pour leur laisser de la place dans votre jardin, ne détruisez pas leur habitat : laissez une petite place aux fleurs spontanées !
Perrine Allard
Volontaire en service civique