Le 2 août 2020
L’été bat son plein. Sur les côtes varoises, la chaleur invite à se prélasser à l’ombre d’un parasol, à tremper les pieds dans la mer… Bref, profiter de vacances estivales plus que bienvenues.
Il n’empêche qu’il y a beaucoup d’activité, car là où certains se reposent, d’autres s’activent toute la journée, et le Domaine du Rayol ne fait pas exception.
Bien que la plupart des plantes du jardin se reposent en cette période, il en est certaines qui demeurent éveillées et même qui fleurissent ! Les floraisons estivales sont certes rares, mais elles attirent quand même des pollinisateurs. Et aujourd’hui, nous allons nous pencher sur l’un d’entre eux.
Laissons donc les plantes se reposer pour ce mois-ci, et partons à la rencontre de la scolie.
« Petite » bête des jardins
Sortez les cahiers de vacances, nous allons faire un petit tour du côté de la classification du vivant ! Tout comme les plantes, le règne animal est divisé en embranchements, contenant les classes, dans lesquelles on retrouve les ordres, etc etc.
De ce fait, si l’on doit appliquer cela (de façon très simple) à la scolie, nous pouvons commencer en affirmant qu’il s’agit d’un animal qui appartient à l’ordre des arthropodes (« pattes articulées »), dans lequel on retrouve également les crustacés (crabes, crevettes..), les arachnides (scorpions, araignées), les myriapodes (mille-pattes) ainsi que les insectes !
Car oui, le terme « insecte » désigne bien une classe d’êtres vivants, caractérisés par six pattes (réunies sous forme de trois paires) ainsi qu’un corps segmenté en trois grandes parties : la tête, le thorax et l’abdomen.
Toutefois, le monde des insectes est extrêmement diversifié et compte plus d’un million d’espèces à ce jour. De ce fait, les insectes sont répertoriés en fonction de certains traits de leur anatomie, notamment les ailes. Et il se trouve que celles de la scolie sont particulières : elle possède deux paires d’ailes membraneuses, dont une plus grande que l’autre. Les ailes de la petite paire sont couplées à celles de la grande paire grâce à de petits crochets (que l’on appelle hamules). En étant accrochées de la sorte, les deux paires bougent à l’unisson, ce qui donne l’impression que l’insecte n’a que deux ailes. Cette caractéristique place la scolie dans l’ordre des hyménoptères.
Courage, on approche du but ! Car chez les hyménoptères, on trouve les fourmis, les guêpes et les abeilles. Alors, qui sont les plus proches cousins de la scolie ? Les fourmis peut-être ? Eh bien non, car l’abdomen des fourmis possède un « étranglement », c’est-à-dire une zone très mince à sa base, ce qui le rend très souple. L’abdomen de la scolie ne possède pas cet étranglement. Restent alors les abeilles et les guêpes. Là encore, ce sont les ailes qui vont nous aider. Chez les abeilles, lorsqu’elles ne volent pas, les deux paires d’ailes sont décrochées (donc désolidarisées). Du côté de la guêpe, les ailes sont maintenues grâce aux hamules. Or, il se trouve que celles de la scolie ne se décrochent pas non plus.
Cette particularité anatomique fait que la scolie, de son nom latin Megascolia maculata, est une cousine des guêpes.
La mal-aimée
Certains lecteurs auront frémi en lisant le mot « guêpe » et ce n’est malheureusement pas surprenant. Depuis notre tendre enfance, l’on nous explique que « l’abeille est gentille et la guêpe pique ».
Il est grand temps de briser les clichés, car il y en a trop. A un point tel qu’on ne sait par lequel commencer.
Guêpes, abeilles, frelons, bourdons, et scolies possèdent effectivement un dard. Cependant aucune piqûre n’est infligée sans raison, d’une part car c’est un gaspillage d’énergie et de venin, d’autre part car il n’y a pas de méchanceté gratuite chez les insectes. Il y a piqûre lorsqu’une menace pèse sur l’animal ou sur son nid. Le reste ne résulte que d’un mauvais concours de circonstances. Il est vrai que certains comme les guêpes ou les frelons défendent férocement leur territoire. De plus, ce sont de formidables chasseurs, tout en finesse et en agilité. Mais observez-les sans les acculer en train de butiner une fleur, et l’animal, ne se sentant pas menacé, vaquera à ses occupations sans menacer de vous piquer.
Car oui, les guêpes sont des pollinisateurs. Les adultes se nourrissent notamment de nectar, tandis que les larves consomment de la viande. C’est pour cela que certaines tournent autour de nous lorsqu’un barbecue se prépare : elles cherchent de la nourriture pour leurs petits, mais ne dédaignent pas goûter une part de melon pour refaire le plein d’énergie, avant de repartir nourrir la colonie !
En parlant de colonie, toutes les abeilles et les guêpes ne sont pas des insectes sociaux. Bourdons, guêpes, frelons et abeilles font partie des hyménoptères les plus connus, mais ils sont loin d’être les seuls. Par exemple, il existe près de 1 000 espèces d’abeilles différentes en France. La plupart d’entre elles sont dites solitaires, sauvages : chacune fait son nid et récolte sa propre nourriture pour elle et ses larves. Il en va de même pour les guêpes : certaines guêpes solitaires se spécialisent dans la chasse aux chenilles, tandis que d’autres préfèrent des araignées pour leur progéniture.
Qu’en est-il donc de notre chère scolie, dans tout ça ? Eh bien là aussi, il y a un cliché qui revient trop souvent à son sujet : la scolie n’a rien à voir avec le frelon asiatique (Vespa velutina). Il s’agit de deux espèces différentes.
Le géant paisible des jardins
Megascolia maculata fait donc partie des plus grandes espèces de guêpe d’Europe, pouvant dépasser 4 cm de long pour la femelle. Elle est d’ailleurs deux fois plus grande que le frelon asiatique, avec qui elle est trop souvent confondue. La comparaison des deux ne laisse toutefois aucun doute : la scolie peut faire la taille du petit doigt, avec un corps et des pattes noirs, des ailes cuivrées, quatre tâches jaunes sur l’abdomen, tandis que le frelon asiatique, en plus d’être bien plus petit, se distingue par ses pattes terminées de jaune.
Quand elle ne butine pas, la scolie femelle, reconnaissable à sa tête jaune, vole au ras du sol, notamment autour des souches de bois, à la recherche de nourriture pour ses petits. Les pique-niques des vacanciers ne l’intéressent pas. En effet, maman scolie veut ce qu’il y a de mieux pour sa descendance : les larves de scarabée rhinocéros (Oryctesnasicornis). Lorsqu’elle en détecte une, la scolie femelle creuse le sol à l’aide de ses mandibules, la tête protégée par son « casque jaune », comme sur un chantier. Une fois la proie déterrée, c’est là que l’aiguillon entre en jeu : un instrument chirurgical utilisé pour paralyser la larve, qui est ensuite transportée jusqu’à la chambre où elle servira de repas à la nouvelle génération de scolies.
Malheureusement, les habitats du scarabée rhinocéros se raréfient : les sous-bois sont déblayés, appauvris en bois mort, qui est la source de nourriture de ces larves. De ce fait, la scolie consacre de plus en plus de temps à la recherche de cette denrée si rare et si précieuse à sa progéniture. Elle cherche, encore et encore, inlassablement sous le soleil de midi en été, au point d’en oublier de se nourrir elle-même, jusqu’à tomber d’épuisement au sol. Là, brûlée par la chaleur estivale, à bout de force, elle erre maladroitement, déboussolée. Et au détour d’un chemin, maman scolie se retrouve face à un géant sur deux pieds, qui la regarde et s’approche, parfois trop près, au point que notre scolie se dresse malgré la fatigue, prête à se défendre face à cette présence qui devient menaçante. Et c’est à ce moment-là que le drame se produit : « Oh attention ! Un frelon asiatique ! »
Que dire donc de la scolie, si ce n’est que c’est l’un des pollinisateurs les plus actifs de nos jardins d’été ? Une bête imposante mais inoffensive, qui souffre de sa livrée noire et jaune inspirant la peur d’une piqûre. Une grande guêpe alliée des jardiniers qui au gré de ses envols, dissémine le pollen et offre fructification aux arbres de nos parcs, jardins et espaces naturels, si précieux et fragiles…
Lenny Basso
Responsable pédagogique au Domaine du Rayol