Le 22 novembre 2019
Il faut partir d’un ressenti, de quelque chose qui semblerait, aux yeux de certains, complètement irrationnel.
Ce qu’il faut à une plante pour assurer sa survie est inscrit dans son patrimoine génétique. Le reste est le fait du hasard.
Une taupe, bien que myope, va se mettre en chasse dès son plus jeune âge, flairant et creusant aux endroits qui lui paraissent propices. C’est inscrit dans son patrimoine génétique. Une large part sera laissée à l’instinct.
Qu’en est-il du pépiniériste ? Patrimoine génétique ou simple patience d’observation ? Peut-être un mélange des deux ? Un rapport à la terre et à la nature différent, certainement. Un mélange de données scientifiques et de simple ressenti, un mélange de rationnel et d’irrationnel. Dans ce cas, le patrimoine génétique serait les données scientifiques, et le ressenti, son instinct.
Dialogue entre une taupe et un pépiniériste
Mais quel acharnement
Creuser, creuser toujours creuser
Devoir faire confiance à un unique petit bout de nez
Comme cela peut paraître déplaisant
Eternel recommencement
Mélanger, mélanger, toujours mélanger
Devoir faire confiance qu’à quelques maigres données
Comme cela peut paraître redondant
C’est un cheminement de méandres sous terre
Anxiété d’un soir sans lune, il faut flairer une piste
Un monticule de terre, une tête dans l’antre du pépiniériste
C’est un sol riche et humifère où naviguent des centaines de vers
C’est courbé devant son bac à mélange, le bras plongé dans la terre
Fragilité de l’instinct, humer, malaxer, il faut être optimiste
Un monticule de terre, une tête aussi savante qu’un botaniste
C’est un mélange subtil, d’informations mêlées à un certain flair
Réapprendre à observer, à comprendre, recréer un dialogue avec la nature
Par tes allées-venues sous terre tu détiens les données qu’il me manque
Par le sol paillé et arrosé de ta pépinière tu as en abondance ma nourriture
Tendre à un sol naturellement aéré et des plantes élevées sans le moindre manque
S’en remettre au temps et à l’instinct, ne pas se décourager, persévérer, accepter de travailler à l’aveugle, laisser une grande place au hasard.
Ce sont des qualités communes que partagent la taupe et le pépiniériste. Dans ce même effort, pourquoi ne partageraient-ils pas leurs ressources ?
Trouver le bon terreau pour qu’une plante accepte d’y pousser est un travail de passionné, qui ne peut par conséquent être lié à un souci de rentabilité.
Charles Guerlain
Jardinier au Domaine du Rayol
