Le 2 août 2020
L’air est chaud, le sol est sec, l’impeccable grand bleu du ciel est aveuglant. Ce n’est pas une heure pour se perdre dans le maquis. Je regarde autour de moi, complètement exsangue d’une marche harassante sous un soleil brûlant d’orgueil. Quelle idée… Pourquoi suis-je ici ? Tous les autochtones du maquis, que ce soit les cistes, les lavandes, les euphorbes, les tortues ou encore les cigales, ont tous pris leurs dispositions pour, justement, ne pas se retrouver dans ma situation à cette heure-ci de la journée.
Et moi je suis là, au milieu d’eux, perdant peu à peu mes forces et mon esprit, m’imaginant au milieu d’une foule prise d’un fou rire général dont j’en serais l’origine. Tous se moquant de mon incorrigible ignorance, venant ainsi marcher en plein après-midi, seulement muni d’un chapeau et d’un peu d’eau…
Je parviens, tant bien que mal, à me hisser au sommet d’un rocher. Dominant enfin cet entrelacs de méandres moqueurs, je cherche une échappatoire, un endroit où il me serait possible d’aller me mettre à l’abri pour attendre une heure plus clémente.
J’aperçois en contrebas un couvert arboré, formant comme un parasol au-dessus de cette terre brûlante. Je ne perds pas une minute, je me laisse couler langoureusement le long de la pierre chaude, m’imaginant l’espace d’un court instant le bien-être que doit ressentir la couleuvre faisant la sieste sur cette roche gorgée de soleil.
Je regarde au loin avec un seul objectif : atteindre cette pinède le plus rapidement possible. Je quitte les chemins balisés pour emprunter des sentes animales qui semblent tracer une route directe vers ces arbres qui, je le sais, s’empareront de ma fatigue, le temps d’un bref repos.
Je laisse le poids de mon corps entraîner mes pieds dans la descente. Je slalome, contourne, enjambe, saute. Puisant dans mes dernières ressources, extrêmement concentré pour ne pas chuter si près du but, je me surprends à observer avec beaucoup d’attention ce milieu qui m’entoure et que je considérais jusque-là comme hostile, avec un émerveillement nouveau. Une sorte de fascination, d’immense respect. Je me vois, moi, exténué et assoiffé, au milieu d’une végétation tenant tête fièrement face à un adversaire dont les rayons peuvent être d’une redoutable violence.
Les cistes, les lavandes, les asphodèles, les euphorbes, les pistachiers, les arbousiers, les bruyères, tous semblent faire semblant de se délecter de cet élixir brûlant attendant calmement que la rotation épuise l’assaillant.
Enfin ! Plus que quelques mètres… Je me laisse tomber au pied d’un pin sur un matelas de petites aiguilles fraîches, épargnées par un soleil d’été pourtant sans pitié.
J’ouvre les yeux. Les cigales viennent d’arrêter de chanter. C’est le signal, la chaleur ne doit plus être asphyxiante. Il est temps pour moi de reprendre mon chemin.
Charles Guerlain
Jardinier au Domaine du Rayol