Le 1 juin 2021
Voyage, voyage, plus près vers les Canaries… En ce moment, nous avons tous besoin d’une escapade ! Une fois le paysage canarien parcouru, qui n’a pas envie d’un petit séjour à Ténérife ou Lanzarote ?
Actuellement, une plante aux fleurs blanches fait sensation ! Le liseron des Canaries ou Convolvulus floridus.
Depuis avril, il se couvre de belles panicules de fleurs blanches.
Une plante XXL !
Le Convolvulus floridus, un liseron canarien aux allures de géant
Vous connaissez sûrement les petits liserons blancs, violets ou rosés, cosmopolites, souvent rampants ou grimpants, avec des fleurs en forme d’entonnoir. Au moins de réputation. On les connaît sous les noms de liserons, belles de jour ou volubilis.
Les Convolvulus, ce sont ces plantes à tiges volubiles qui s’entortillent et rampent au sol. Leurs fleurs parsèment les jardins à partir du printemps. Elles portent bien leur nom puisque convolvere en latin signifie s’enrouler. Lorsque le milieu est adapté, elles ont vite tendance à s’imposer.
Certains ont des formes arborescentes. Celui des Canaries est un arbuste qui peut atteindre 2 à 3 mètres de hauteur… On est loin de la petite herbacée. C’est ce qui fait le charme des Canaries : certaines petites plantes communes chez nous ont là-bas des allures de géantes !
Ce liseron arbustif a un feuillage simple et alterne qui est persistant. Il a une croissance rapide et peut fleurir au bout de la 2e ou 3e année. Il pourrait supporter jusqu’à -7°C. Son nom d’espèce, floridus signifie « fleuri ». Son abondante floraison lui donne une allure lumineuse et fait du plus bel effet dans un jardin.
C’est l’une des espèces de Convolvulus endémiques des îles Canaries (on en compte une petite dizaine). Elle est cependant plus rare sur Lanzarote, Fuertaventura et El Hierro.
La surpopulation de chèvres domestiques (Capra hircus) et le pâturage ont impacté les populations sauvages sur ces trois îles. Sur les autres, les populations de Convolvulus floridus sont plus grandes et il y a d’autres plantes plus appétantes pour ces herbivores, induisant une pression moins importante.
Au pied de l’Hôtel de la Mer, le Convolvulus floridus ne passe pas inaperçu
Sur les îles, il existe 4 variétés de Convolvulus floridus, distribuées différemment en fonction de chacune d’elles.
Ce liseron apprécie les bains de soleil en bord de mer. On le retrouve dans des situations ensoleillées, les broussailles côtières, les forêts thermophiles, les falaises au côté des communautés d’Euphorbes.
Il s’hybride naturellement avec le Convolvulus scoparius, autre endémique, formant l’espèce Convolvulus x despreauxii. Localement on le connaît sous le nom de Guaydil.
Avec son cousin Convolvulus scoparium, l’espèce a été exploitée au XIXe siècle pour la production d’une huile aromatique, claire et ambrée, avec une fragrance de rose, appelée huile de Rhodium. Cette huile est extraite de leurs branches et de leurs racines et est utilisée en parfumerie et cosmétique. Elle était auparavant utilisée pour adultérer la véritable huile de rose.
Convolvulaceae, famille des liserons
Revenons à nos liserons.
Sous ce nom générique, on retrouve les Ipomea, Cuscuta, Convolvulus…
Cette famille comprend 67 genres et plus de 1 600 espèces. Elle appartient à l’ordre des Solanales. Ce sont des plantes que l’on retrouve à la fois dans des régions tropicales et tempérées. C’est la famille de la patate douce (Ipomea batatas).
Ces plantes aux allures familières dans notre environnement possèdent des propriétés intéressantes et insoupçonnées. Les liserons sont des plantes symboliques, alimentaires, médicinales et parfois toxiques. Certaines sont parasites (Cuscuta).
Dans le monde de l’art, ces plantes volubiles et torsadées se dévoilent dans les architectures, les peintures et les sculptures.
Leurs stratégies de reproduction en font des conquérantes efficaces. Une adventice des cultures, Convolvulus arvensis, a tendance à être envahissante. Avec leurs tiges, elles utilisent tout support et s’enroulent autour jusqu’à l’étouffer. Elles se reproduisent grâce à des rhizomes et chaque plant pourrait produire jusqu’à 500 graines, qui ont une longue durée de vie. Celles de Convolvulus arvensis dureraient entre 5 et 20 ans. Elles constituent ainsi de grandes banques de graines dans le sol. De ce fait, elles ont souvent une place de plantes pionnières.
Un certain nombre de substances ou composés actifs sont synthétisés par des champignons qui vivent en symbiose sur ou dans les plantes (tiges, feuilles et racines). Ceux-ci contiennent de fortes concentrations en alcaloïdes parfois utilisées pour leurs effets psychotropes.
Chez les liserons et les graminées, on retrouve des champignons de la famille des Clavicipitaceae qui produisent des substances alcaloïdes toxiques telles que celles de l’ergot du seigle.
À la conquête spatiale ?
Les plantes voyagent depuis des millénaires sur la planète par l’action des hommes, des animaux, des insectes, du vent…
Ce jardin planétaire réunit les plantes de différentes régions du monde, il est la représentation de ce mouvement constant autour de la planète.
Depuis quelques années, certaines d’entre elles sont transportées en dehors de notre planète bleue, sur l’ISS, et Convolvulus arvensis pourrait être sélectionnée pour faire partie d’un futur voyage.
Sur l’ISS, des études ont montré que malgré l’exposition à des traitements extrêmes dans le vide spatial, certaines graines avaient une longévité. Il s’avère que certaines sont capables de survivre plusieurs années et de germer après avoir subi différents traitements.
L’INRA (Institut National de la Recherche Agronomique, aujourd’hui INRAE) a réalisé des essais pour comprendre et tester la résistance des graines aux UV.
Les réserves de flavonoids du liseron des champs conféreraient une résistance plus importante aux UV comparé aux deux autres plantes qui ont déjà effectué le voyage : des plants de tabac (Nicotiana tabacum) et d’arabettes (Arabidopsis thaliana).
La conquête de ce liseron ne s’arrête donc pas à celle de nos jardins !
En attendant, nous pouvons observer ces petites plantes volubiles sur le sol ou dans nos haies. Et au Jardin des Méditerranées, le liseron des Canaries continue sa floraison.
Pauline Arnéodo
Jardinière et guide-animatrice au Domaine du Rayol
