Le 4 mai 2021
Ce mois-ci, l’Afrique du Sud est mise à l’honneur ! Ses paysages sont une merveille au printemps. On ne peut qu’être conquis par les couleurs des belles marguerites du Cap, des Strelitzia, des Pélargonium, des Chasmanthes…
Parmi cette explosion de floraisons qui profitent des dernières pluies printanières, juste avant la Ferme, un arbre attire l’œil. Vous ne pouvez pas le rater ! Ses fleurs exposent un rouge orangé tellement vif qu’il fait penser au Flamboyant (Delonix regia), originaire de Madagascar.
Un Flamboyant qui n’en est pas un…
Pourtant, celui dont je vais vous parler n’a d’un Flamboyant que son éclat. Voici une plante qui ne vous laissera pas indifférent, il s’agit de l’arbre corail ou Erythrina lysistemon. Elle fait partie d’une des familles les plus répandues, les Fabacées.
Les Erythrines comptent près de 120 espèces. Elles sont présentes dans les zones chaudes du globe : Afrique centrale et du sud, Amérique centrale et du sud, Australie, Malaisie, Asie du sud-est et Inde.
Erythrina vient du grec « erythros », signifiant rouge. Il fait référence à la couleur des fleurs et des graines mais pourrait venir également de la couleur de la gomme exsudée après incision par certaines espèces.
Pourtant toutes les Erythrines n’ont pas les fleurs rouges. Une espèce endémique d’Hawaï a des variations dans la couleur de ses fleurs, le wili wili (Erythrina sandwicensis).
Son nom d’espèce, lysistemon, signifie étamine lâche ou libre. Chez la fleur d’Erythrine, l’étendard, autrement dit, le pétale le plus haut, long et étroit renferme les autres, formant cette fleur en forme de tube qui contient les étamines. En s’ouvrant, elles les présentent avec le pollen aux futurs pollinisateurs.
Résister aux sécheresses
Concernant notre arbre corail, c’est en parcourant la partie nord-est de l’Afrique du Sud, la région du Transvaal, que l’on peut l’observer. Il se développe du Limpopo jusqu’au KwaZulu-Natal. Dans les forêts de broussailles, les zones boisées sèches, la savane sèche, les zones de dunes côtières et certaines zones à fortes précipitations. Dans son milieu naturel, il peut atteindre 12 mètres et sa floraison s’étend de mai à août.
Chose relativement commune, cet arbre à la floraison spectaculaire dévoile ses fleurs avant de faire des feuilles ! Oui, vous avez bien lu, comme l’arbre de Judée. On parle de plante protéranthe.
Une stratégie non négligeable quand on habite dans les zones sèches puisqu’elle permet à la plante de réaliser ce processus coûteux à une période où la vigueur de la plante est moins mise à l’épreuve par la sécheresse. Il est donc très bien adapté aux régions chaudes et tolère bien la sécheresse, mais il se portera d’autant mieux s’il est arrosé l’été. En revanche, il est assez sensible au froid. Il pourra résister jusqu’à -7°C s’il est planté dans une position abritée et protégée du gel lorsqu’il est jeune.
Au Jardin, les fleurs sont visibles dès avril et jusqu’au moment où les premières feuilles trifoliées apparaissent. Puis les gousses, minces et noires, se fendent pour laisser s’échapper des graines rouge vif à maturité.
Une ressource importante
Outre son aspect ornemental qui a conquis de nombreux pays, c’est une ressource de choix pour de nombreux animaux dans son habitat naturel. Elle offre le gîte et le couvert à différents oiseaux, insectes et mammifères.
Ces arbres sont parfaitement adaptés à cette pollinisation par les oiseaux. Des oiseaux comme les oiseaux soleil, homologues africains des colibris, viennent se délecter du nectar abondant de cette plante et participent à sa pollinisation.
Chez l’espèce crista-galli, la fleur secrète 1 ml de nectar par nuit et, phénomène incroyable, elle peut même pivoter à 180° pour que le pollen soit déposé sur la partie adéquate du corps de l’oiseau. On l’appellerait aussi l’arbre qui pleure en raison de l’orientation de ces fleurs qui laissent couler le nectar comme des larmes.
Les perroquets à tête brune mangent les graines et participent également à leur dispersion. Les koudous, les rhinocéros noirs et des babouins mangent ses feuilles. Un animal auquel nous nous attendions un peu moins, le singe vervet, à la tête ronde et au regard malicieux, lui, se fait plaisir avec les boutons floraux. Les gros herbivores tels que les éléphants et les rhinocéros noirs consomment également de l’écorce. Ce dernier fait partie des deux espèces vivant dans la savane africaine. Il a développé une différence avec le rhinocéros blanc, une souplesse du cou et des lèvres crochues qui lui permettent d’attraper précisément des feuilles et des fruits en hauteur. Enfin, les racines sont consommées par les cochons de brousse ou potamochères (Potamochoerus porcus).
Même morts, ces arbres trouvent preneurs. Ce sont des lieux où nichent les barbets et les pics et des abeilles.
D’un point de vue agronomique, les Erythrines sont d’excellents arbres d’ombrage et supports de culture pour la vigne, le poivrier, la vanille, le cacao et le café. De plus, leur capacité à fixer l’azote permet d’en faire profiter ces cultures. L’écorce lisse de l’arbre corail et son bois léger sont utilisés pour fabriquer des masques rituels, des canoës, radeaux, flotteurs.
Le rouge, attirer l’attention sur… la toxicité
Méfiez-vous cependant ! Dans la nature, la couleur rouge, outre son attractivité, est souvent synonyme de toxicité !
Dans leurs différents organes, les espèces d’Erythrina contiennent des quantités plus ou moins importantes d’alcaloïdes toxiques, notamment dans les graines.
Si elles ne sont pas comestibles, les propriétés des alcaloïdes sont souvent utilisées en médecine traditionnelle et parfois pour leurs propriétés hallucinogènes. Certaines Erythrines ont des propriétés antibactériennes, anti-inflammatoires, analgésiques et d’anticoagulant.
Une espèce est comestible après cuisson, le Balu ou Erythrina edulis.
Des cousins présents au jardin
Comme d’autres espèces de ce genre, c’est un arbre empreint de légendes et de magie. Dans la culture Zoulou, l’arbre corail est considéré comme une plante aux propriétés magiques et royales ! Il était notamment planté sur les tombes des chefs zoulous. Les graines sont qualifiées de porte-bonheur. Ainsi, nous pouvons le retrouver sous le nom de l’arbre porte-bonheur.
Cet arbre porte-bonheur (Erythrina lysistemon) est souvent confondu avec son cousin africain, l’arbre corail côtier ou Erythrina caffra, à la floraison orange écarlate ! Celui-ci provient des forêts côtières et riveraines dans le KwaZulu-Natal. Sa fleur est plus large et plus courte et son extrémité se courbe afin d’exposer au mieux le pollen. Un arbre que vous pouvez également observer au Jardin en regardant la mer et en sirotant une boisson fraîche au Café des Jardiniers.
Dans la parcelle d’Amérique subtropicale, vous retrouverez un des hybrides les plus connus, l’Erythrine x bidwillii (E. herbacea et E. crista-galli) créé par William MacArtur en 1840 et nommé par John Lindley en honneur de John Carne Bidwill. C’est un hybride rustique qui pourrait résister jusqu’à -14°C.
Ce n’est pas tout… Ce que je ne vous ai pas encore dévoilé, c’est que ce sont des arbres dits immortels. Enfin… pour certains ! Oui, je sais, sacrée nouvelle ! Chez certaines espèces, notamment l’Erythrine crête de coq (Erythrina crista-galli), le tronc de l’arbre mort se pétrifie plutôt que de se décomposer. Originaire d’Amérique du sud, il se fait appeler « El ceibo », signifiant bois immortel ou l’arbre qui ne meurt jamais. C’est la fleur nationale de l’Argentine et de l’Uruguay. D’après une légende, cette plante symbolise la bravoure et la résistance à la souffrance.
Il y aurait encore tant de choses à évoquer sur ces Erythrines. Des plantes étonnantes, aux floraisons magnifiques, aux utilisations variées, mais aussi aux diverses légendes qui ne font que renforcer l’intérêt que l’on peut leur porter et nous permettent de voyager un peu…
Pauline Arnéodo
Jardinière et guide-animatrice au Domaine du Rayol