Le 22 novembre 2024
Nom vernaculaire (en anglais) : pas de traduction française connue. L’épithète spécifique fait cependant référence à la forme en crochet des phyllodes.
Nom scientifique : Acacia uncinata Lindl., Edwards’s Bot. Reg. 16: pl. 1332. 1830.
Famille : Fabaceae Lindl., Intr. Nat. Syst. Bot. (ed. 2): 148. 1836.
Synonyme courant : Mimosaceae R.Br. First published in Voy. Terra Austral. 2: 551. 1814 [19 Jul 1814] (as « Mimoseae ») (1814)
Nom de famille « conservé » : Légumineuse (en français), (cf. l’Art. 18.5 de l’International Code of Botanical Nomenclature de Shenzhen (ICBN, 2018)).
Alors que le froid et les grisailles ambiantes s’installent un peu partout, les mimosas commencent à fleurir au Domaine du Rayol. Leur lumière vive éclaire la Méditerranée reposée. L’observateur en manque de couleurs s’accroche aux plantes exotiques et aux timides indigènes libérées des agitations estivales.
Au XIXe siècle, dans leur quête d’exotisme, nos voisins anglais s’attachaient déjà à cette volonté de faire perdurer les couleurs en implantant dans le paysage méditerranéen des plantes lointaines. Nous leur devons les eucalyptus, certains palmiers ou les mimosas par exemple. Reflet de voyages lointains comme pour la création du Jardin des Méditerranées, notre plante du mois a été dessinée pour la première fois grâce à un spécimen ayant poussé dans les serres du Comte de Vandes en Angleterre en juillet 1828 (fig. 1).
Figure 1. Première illustration de l’Acacia uncinata accompagnée de sa description orginelle.
Pages publiées en 1830 au Volume 16 de l’ouvrage Edwards’s botanical register, par John Lindley.
© Biodiversity Heritage Library.
Le Comte de Vandes en question, ou plus simplement George Charles de Vandes, était un aristocrate britannique épris, avec son épouse, de botanique et de jardinage. La récolte initiale de graines de notre espèce aurait très probablement été faite par un certain William Baxter (1792-1832 ?) durant les années 1820 en Australie, alors jardinier en mission pour le compte du Comte et d’autres pépiniéristes de l’époque (Nelson, 2018). De nombreux genres comprenant des espèces qui poussent au Rayol depuis des décennies sont associés à son nom. Il en va de l’Acacia baxteri R.Br., du Banksia baxteri R.Br., du Grevillea baxteri R.Br., de l’Isopogon baxteri R.Br., de l’Hakea baxteri R.Br., ou du Kunzea baxteri (Klotzsch) Schauer, etc., (Australian National Herbarium, 2024). L’œil averti – s’il en est – ne manquera pas l’association du curieux « R.Br. » aux plantes citées. Que celui-ci se rassure, il ne s’agit là que de la simple abréviation botanique de ce cher Robert Brown (1773-1858), un botaniste écossais grâce à qui le noyau des cellules végétales ou des stomates a été découvert (Linnean Society of London, 2024). Les stomates sont des sortes de trous situés sur les feuilles qui régulent les échanges gazeux et la perte d’eau.
Il existe beaucoup de contributions taxonomiques dépendantes des jardiniers (Stauffer, 2022 ; 2024). Complément magnifique à une botanique souvent cloisonnée, John Lindley (1799-1865), révélateur de notre plante du mois, était l’un de ceux-là. Il publia d’ailleurs en ce sens un important traité d’horticulture de quelque 396 pages intitulé : « The theory of horticulture […], the principal operations of gardening upon physiological principles » etc., (Wikipedia, 2023).
Acacia uncinata n’est pas une plante d’infimes détails. Disons qu’elle se voit, qu’elle a une allure, une architecture. Elle se distingue dans le paysage, elle l’influence (fig. 2).
Figure 2. Acacia uncinata dans son paysage au Domaine du Rayol en novembre 2024,
photographié depuis l’entrée de la parcelle dédiée aux paysages australiens.
© Domaine du Rayol, Basile Raphel, 2024.
Nous parlons là d’un arbuste de maximum deux mètres de haut et qui fleurit par ailleurs assez longtemps, de novembre à mars environ. Ce buisson produit des gousses d’année en année (fig. 3).
Figure 3. Gousses et autres éléments de l’Acacia uncinata Lindl.
Spécimen de référence conservé à l’herbier du Domaine du Rayol au Bastidon sous le numéro 20220530_12.
© Domaine du Rayol, Jérémy Tritz, 2024.
Au regard de la diversité du genre Acacia (1 082 espèces, dont 1 073 juste en Australie selon Phillip et al., 2023), il existe bien sûr évidement une espèce voisine fraîchement reconnue (1996) qui pourrait semer le doute quant à l’identité même des spécimens en culture implantés çà et là. Il s’agit d’Acacia aureocrinita B.J. Conn & Tame. Cette espèce est semblable à notre plante du mois, mais s’en distingue par son plus port plus bas, très ramifié et buissonnant ainsi que par ses phyllodes elliptiques plus petites, mesurant jusqu’à 20 mm de long. Les phyllodes d’A. uncinata sont quant à elles plus grandes (entre 17 et 45 mm de long) et de forme plus étroites, elliptiques voir obovales. Les inflorescences de cette espèce sont souvent dépourvues de phyllodes floraux, ce qui leur permet d’atteindre des longueurs pouvant aller jusqu’à 60 mm. En revanche, celles de A. aureocrinita sont généralement plus petites (descriptions adaptées de la Flore australienne).
Tout le monde connait la populaire famille de notre plante du mois, amateurs de potagers ou d’apéritif accoudés. Il en va d’haricots verts, de soja, de cacahuètes et d’environ 24 000 autres espèces en tous genres dans le monde (GBIF, 2024). Un nom de nouveau utilisable et évocateur permet de s’y retrouver (enfin) : les mimosas sont tout simplement des légumineuses (ICBN, Art. 18.5, 2018).
Il n’y a pas de nom vernaculaire rentré dans le langage français, c’est souvent le cas d’ailleurs pour des espèces peu connues en métropole. Néanmoins, l’épithète spécifique évoque, comme pour le pin à crochets des Alpes (Pinus mugo subsp. uncinata), la forme en crochet non pas des pommes de pin cette fois mais bel et bien celle des phyllodes (fig. 3). Les phyllodes sont des tiges modifiées qui ressemblent à des feuilles et qui remplissent des fonctions similaires, comme la photosynthèse, particulièrement chez les Acacia).
L’Australie est riche de plus de 20 000 espèces selon la référence sur la flore de l’île (Flora d’Australie). D’importants sites Internet très bien faits concentrent aujourd’hui l’information comme celui proposé par Bruce Roger Maslin, (2018) spécialement dédié au genre Acacia.
Aussi essentiel soit-elle pour identifier les espèces, l’origine cultivée de notre individu reste inconnue. Peut-être provient-il de la célèbre pépinière Cavatore, spécialisée dans les mimosas et située à Bormes-les-Mimosas ? Il est aussi possible que les graines aient été récoltées par un membre de l’équipe du Domaine du Rayol durant l’un des nombreux voyages qui ont façonné nos paysages d’aujourd’hui. La révision continue des espèces présentes au Domaine du Rayol réserve chaque jour son lot de surprises. Dans ce contexte, une contribution importante (Coulot & Rabaute, com. pers., 2024), viendra enrichir notre révision des acacias du Domaine du Rayol grâce à un complément à la monographie des légumineuses de France (2013 ; 2016 ; 2020). En janvier 2023, nous évoquions un autre mimosa plus épineux dans une précédente « plante du mois » : « Un épineux mimosa ».
L’hiver est donc la saison des mimosas sur la Côte d’Azur. Plusieurs dizaines d’espèces parsèment le Jardin et essaiment leurs fleurs jaunes dans les paysages. Devenu un incontournable dans le pays, des visites spéciales sur inscription vous sont proposées en suivant ce lien. Cette année, ces découvertes s’étaleront de janvier à début mars, principalement les week-ends.
À bon observateur, la bonne saison arrive !
Jérémy TRITZ
Responsable scientifique, botaniste au Domaine du Rayol