Le 25 janvier 2024
Noms vernaculaires : Véronique érigée, véronique en épi, kōkōmuka, kōkoromiko en Māori.
Nom scientifique : Veronica stricta Banks & Sol. ex Benth. in: Banks & Sol. ex Benth. (1846). In: Prodr. [A. DC.] 10: 459.
Synonyme courant : Hebe stricta (Banks & Sol. ex Benth.) L.B. Moore Fl. N. Zeal. 1: 904 (1961)
Nom de famille « conservé » : Plantaginaceae Juss., Gen. Pl.: 89. 1789. (cf. l’Art. 18.5 de l’International Code of Botanical Nomenclature de Shenzhen (ICBN, 2018).
Les Méditerranées possèdent leurs flores, leurs végétations spécifiques. Le Domaine du Rayol et son lot de réjouissances botaniques aussi. Dans ce Jardin des Méditerranées, vos promenades vous mèneront de jardin en jardin grâce à des ambiances, des atmosphères contrastées composées de couleurs ou de senteurs différentes. Au hasard de vos promenades, vous découvrirez des jardins dits « invités » qui ne sont donc pas liés au climat méditerranéen (sensu Köppen, PEEL et al., 2011). En plus des jardins subtropicaux qui font référence à l’Amérique ou l’Asie, il existe un espace bien plus sec situé dans la partie supérieure, promis cette fois à la flore de l’« Amérique aride », notamment celle du Mexique. À l’opposé, en termes d’humidité bien sûr, tout au fond du vallon, vous apprécierez cette fois, au fil de vos rêveries botaniques, un espace dédié plus spécifiquement à l’originale flore de la Nouvelle-Zélande. Les fougères arborescentes composées de Dicksonia antarctica Labill. et de Cyathea cooperi (F. Muell.) Domin, de plusieurs mètres de haut, n’auront de cesse de provoquer l’émerveillement en vous plongeant dans l’ambiance de forêts plus humides que ce que le climat méditerranéen permet d’ordinaire (Jardin de Nouvelle-Zélande, n.d.).
Au grand dam de bien des utilisateurs de noms de plantes, certains groupes se voient changer d’appellation suite aux avancées de la systématique (la science de la classification des êtres vivants). Nous en avions déjà parlé dans un précédent article sur les algues notamment, (TRITZ & TIENNOT, 2023). En ce qui concerne l’hébé, un changement de famille avait déjà été opéré en 2001, passant de celle des Scrophulariacées à celle des Plantaginacées (OLMSTEAD et al., 2001). Le nom de genre Hebe tel qu’il est largement encore utilisé aujourd’hui, a été proposé l’année de la Révolution française par les Français Antoine Laurent de Jussieu (1748-1836) et son compère Philibert Commerson (1727-1773), (JUSSIEU & JUSSIEU, 1789). La mythologie nous apprend que le nom d’Hébé est le prénom de la déesse grecque de la jeunesse, fille de Zeus et Héra, épouse d’Héraclès et servante de l’ambroisie à la table des dieux, (Mythologie grecque : Hébé, n.d.). Aujourd’hui, on parle de véronique pour les hébés. Dans sa conception moderne et dans l’hémisphère Sud aussi, cette appellation commune en Europe est largement appuyée par bon nombre d’arguments moléculaires (ALBACH et al., 2004 ; GARNOCK-JONES et al., 2007). Le genre fait état aujourd’hui de 141 espèces dont 118 sont endémiques de la Nouvelle-Zélande, (Flora of New Zealand, 2023).
Au vu des aléas nomenclaturaux, la réattribution des espèces d’hébé n’est pas largement acceptée par le grand public ; c’est donc sans gêne que le nom d’hébé ne choquera pas l’assemblée du Domaine du Rayol si vous assignez ce nom à ces belles fleurs rose-pourpre au détour d’un chemin (fig. 1).
Figure 1 : Inflorescence de Veronica stricta dans la parcelle dédiée aux plantes emblématiques de Nouvelle-Zélande.
© Domaine du Rayol, Tao Ramsa, janvier 2024.
L’espèce du mois est Veronica stricta, (Flora of New Zealand, 2023). Elle est actuellement en fleur dans la partie supérieure de la « prairie à stipa » (fig. 2) et s’avère originaire des deux îles de la Nouvelle-Zélande (fig. 3).
Figure 2 : Port de notre plante du mois dans la prairie de stipa.
© Domaine du Rayol, Anaïs Meilleur, décembre 2023.
Figure 3 : Répartition de Veronica stricta, endémique de Nouvelle-Zélande
selon le site Global Biodiversity Information Facility (GBIF) en 2024.
En suivant la dernière version de la clé des véroniques de l’île, tout juste publiée en décembre 2023 par le spécialiste néo-zélandais Philip John Garnock-Jones, l’œil averti pourrait être amené à proposer une espèce voisine reconnue en 2007 : Veronica angustissima (Cockayne) Garn.-Jones. Les différences entre les deux espèces étant difficiles à apprécier sur des spécimens dont ne nous connaissons pas les origines, le bon sens préfère en rester à une variabilité de V. stricta, espèce d’ailleurs bien connue en Europe grâce à l’horticulture.
Rappelons que les véroniques sont des plantes de jardin importantes dans le monde entier, en particulier pour ce qui est des espèces arbustives de Nouvelle-Zélande dont plus de 1 000 cultivars sont actuellement connus (METCALF, 2006).
À bon observateur !
Jérémy TRITZ
Responsable scientifique, botaniste au Domaine du Rayol