Le 21 décembre 2023
Noms vernaculaires : « Arbre à thé », « mocán, mocanero, mocanera » en espagnol, « mocan tree » en anglais.
Nom scientifique : Visnea mocanera L. f., Suppl. Pl.: 251. 1782
Famille : Pentaphylacaceae Engl., Nat. Pflanzenfam., Nachträge: 214. 1897. (Tropicos, 2023 ; Powo Kew, 2023 ; WFO, 2023)
Theaceae Mirb., Bot. Reg. 2: sub t. 112. 1816. (IPNI, 2023)
Cette « Plante du mois » pourrait bien vous déplaire. Pas d’exubérances, pas vraiment d’entrelac végétal coloré pour l’amateur de plantureux représentants du règne des plantes. Il ne s’agira ici que d’un simple arbuste de 8 à 10 mètres de haut composé de petites feuilles persistantes et de fleurs retombantes moyennement visibles quoique subtilement odorantes. Pas de folies.
Figure 1. Floraison hivernale du mocán dans la parcelle canarienne. © Jérémy Tritz 2023
Porte-parole sans considérations de genres ou d’esthétisme, cet espace fait donc la part belle à toutes les plantes, sans critères d’origines, de tailles, de goûts ou d’utilité quelconque pour nous autres.
Le nom d’espèce de notre Plante du mois : mocanera en latin, fait référence au nom autochtone « mocán » des anciens habitants des îles Canaries appelés les « Guanches ». Ces populations insulaires fabriquaient avec la plante un sirop [qui s’avérait] être utilisé en médecine ou dans l’alimentation quotidienne (KOBUSKI, 1952). Bon nombre de bienfaits attestés aujourd’hui sont associés à cette plante, par exemple qu’elle soit anti-inflammatoire ou cicatrisante, (DUEÑAS et. al., 2003).
Souvent mal employée et confondue avec le terme indigène, l’espèce de ce mois de décembre est endémique des Canaries (à l’exception de l’île de Lanzarote) et de Madère, (ARBOLAPPCANARIAS, 2023). C’est-à-dire qu’elle ne pousse naturellement qu’à ces deux endroits sur toute la planète. En ces périodes hivernales, ce sera donc ces archipels et leurs douces températures que nous côtoierons. (fig. 2).
Figure 2. Répartition de la « Plante du mois ».
Les points jaunes au large du Maroc montrent la répartition du mocán sur l’archipel des Canaries et de Madère plus au nord.
Ces données proviennent du site Global Biodiversity Facilities (GBIF) en 2023.
Les occurrences représentées vont de 1855 à 2023.
Il n’est pas très fréquent d’évoquer en région méditerranéenne (au sens large) la famille des Pentaphylacacées. Et pour cause, c’est là la seule représentante de sa famille pour toute la flore d’Europe. Cet ensemble compose un groupe d’affinité tropicale ne comprenant aujourd’hui que 12 genres selon le site du Kew Garden « Plants of the World Online » et 16 selon celui du GBIF en 2023, soit environ 650 espèces en tout selon les auteurs. En plus de n’évoluer que dans les îles précisées peu avant, notre espèce est aussi la seule ambassadrice de son genre (Visnea) avec une unique espèce seulement en son sein (mocanera).
Rappelons ici que pour une fois, c’est le fils de l’illustre botaniste suédois Carl Von Linnée (1741-1783) (qui porte le même nom et prénom que son père), qui œuvra à la description de notre son espèce en 1782, tout comme 1 137 autres espèces de plantes à travers le monde (Tropicos, 2023). Cela explique l’abréviation « L.f. » après le nom latin de la plante pour « Linnée fils ». La description originelle se trouve à la page 251 de son ouvrage intitulé en latin : « Supplementum Plantarum […] », (Biodiversity heritage Library).
Figure 3. Fruit en bas à gauche et rameau fleuri de Visnea mocanera L. f. au Domaine du Rayol en décembre 2023.
[Spécimen 20231215_1]. © Jérémy Tritz.
Ces considérations nominatives induisent de nombreuses histoires. Ainsi, le nom de genre Visnea pourrait avoir été dédié à un commerçant portugais du nom de « De Visme » qui était propriétaire d’un jardin botanique, (SOCIÉTE DE PHYSIQUE ET D’HISTOIRE NATURELLE DE GENÈVE, 1821). Quoi qu’il en soit, cette nébuleuse et probable confusion des « n » et des « m » – vous l’aurez remarqué – n’a plus lieu d’être aujourd’hui. Une terrible malfaçon orthographique consacrée par l’usage dirons-nous.
Souvent associée à l’arbousier des Canaries dans la nature, Visnea mocanera est une espèce qui a besoin de lumière. Elle pousse entre 300 et 1 000 mètres et s’avère typique des forêts d’altitude composées entre autres du laurier des Canaries (Laurus novocanariensis Rivas Mart., Lousã, Fern. Prieto, E. Días, J. C. Costa & C. Aguiar). Elle peut se retrouver aussi dans des situations plus thermophiles comme en atteste sa présence au Domaine du Rayol depuis plus de 15 ans.
Figure 4. Triptyque paysager dans la parcelle des Canaries
(le dragonnier en haut à gauche ; l’euphorbe arborescente en bas à gauche et le mocán notre « Plante du mois » au premier plan.
© Jérémy Tritz, décembre 2023.
Produite régulièrement en pépinière dans le sud de la France, cette plante, gélive aux alentours de -5°C, ravira jardiniers, paysagistes et visiteurs curieux avides de verdure hivernale.
Pour rejoindre enfin votre bien nommée « Plante du mois », descendez les marches de l’Hôtel de la Mer et vous trouverez notre espèce en fleur en ce moment bien en place juste en bas des escaliers.
À bon appréciateurs, joyeux Noël !
Jérémy TRITZ
Responsable scientifique, botaniste au Domaine du Rayol