La plante du mois : l’arbousier

La plante du mois : l’arbousier

Le 20 octobre 2018

Aux yeux du promeneur parcourant le maquis, la nature, au mois d’octobre, ressemble peu à ce que dépeignent les livres de notre enfance. Pas de feuilles séchées transportées par les vents, pas de couleurs rouille, brune, orange, jaune ou encore rougeoyante. Ici, le vert demeure. La nature paraît comme figée dans le temps…
Toutefois, parmi les représentants du maquis, il en est un qui, en cette saison, s’orne de couleurs à en faire pâlir d’envie nos chers sapins de Noël.
Amis curieux et passionnés, voici l’arbousier.


Vous avez dit « ar-bou-sier » ?

En effet, une petite précision s’impose : il s’agit bien de l’arbousier (Arbutus unedo) et non de l’argousier (Hippophae rhamnoides). Bien que très proches de par leur consonance, ces deux espèces sont très différentes.
L’argousier appartient à la famille des Eléagnacées, tout comme le chalef, et occupe une zone très vaste incluant une grande partie de l’Europe, de l’Asie et de la Russie.
Quant à l’arbousier, il est de la même famille que les bruyères, les Ericacées. Sa répartition est nettement différente puisqu’elle se cantonne au pourtour méditerranéen, incluant l’Europe méridionale, l’Asie occidentale et l’Afrique du Nord.
Pour résumer, l’arbousier est plus proche de la bruyère que de l’argousier, et se rencontre plus aisément aux abords de la Méditerranée.


Un arbre de climat méditerranéen

Cette répartition géographique n’est pas un hasard, car l’arbousier est un arbre très bien adapté au climat bordant notre « mer au milieu des terres ». On le retrouve ainsi dans le maquis, côtoyant le chêne-liège (Quercus suber) ou encore la bruyère arborescente (Erica arborea).

Tout comme ces derniers, l’arbousier est soumis à une forte sécheresse en été. Son feuillage, denté, luisant et coriace, lui permet de réduire la perte d’eau par évapotranspiration aux heures les plus chaudes.

Lignotuber d'Arbutus unedo

Lignotuber d’Arbutus unedo

Mais ce qu’il y a de remarquable chez cet arbre, c’est sa résistance aux incendies. Pourtant, cette espèce ne dispose pas d’une couche protectrice comme chez le chêne-liège. Ici, c’est son anatomie qui lui confère un avantage : ce que l’on voit d’un arbousier, ce ne sont en fait que des branches ! Ces dernières semblent jaillir du sol, à partir d’un renflement, parfois à peine visible dans la terre. C’est ce que l’on appelle un lignotuber (du latin lignum, signifiant bois, et tuber pour tumeur). Ainsi, l’arbre vit partiellement « enterré », et donc à l’abri des flammes. Voilà une très bonne illustration de l’expression « vivons heureux, vivons cachés » ! Un incendie ne détruira donc pas entièrement l’arbre : seules ses branches seront consumées. Par la suite, rapidement, d’autres branches seront générées à partir de ce lignotuber, grandissant jusqu’à 10 mètres de hauteur. Cette morphologie permet à l’arbousier d’être un des premiers végétaux à « renaître » après le passage du feu !

Cette stratégie de survie permet ainsi une formidable résistance aux incendies pouvant survenir durant les périodes estivales. Elle est également présente chez une cousine de l’arbousier, très répandue dans le maquis : la bruyère arborescente.


Mais une fois l’été passé…

L’automne marque non seulement la fin de la sécheresse, mais également le retour des pluies, donc une période plus propice à la floraison. Ainsi, à partir d’octobre, le promeneur curieux voit apparaître, au bout de chaque branche, des petites grappes de fleurs blanches, semblables à des clochettes retombantes. En y regardant de plus près, il est possible d’y déceler de légères nuances de rose pâle ou de vert clair. Pour les plus patients, il sera possible d’observer quelques insectes pollinisateurs (abeilles, syrphes, petites guêpes), suffisamment petits pour se glisser dans ces petites fleurs, en quête du précieux nectar…

Mais parmi les feuilles, se distinguent d’autres couleurs : pointes de jaune orangé, de rouge vif… Ce que l’on voit, ce sont… des fruits ! Ces derniers, verts le reste de l’année, se teignent de jaune, d’orange, jusqu’à devenir rouge vif lorsqu’ils sont mûrs. Cependant, cette maturité s’effectue au bout d’un an. De ce fait, les fruits rouges visibles sont issus de fleurs fécondées l’an passé ! Ces fruits comestibles sous différentes formes (en gelée, confiture, liqueur ou bien en tant que tel) font le régal de nombreuses espèces animales, incluant insectes, oiseaux ou encore mammifères. La grande quantité de graines qu’ils contiennent permet une dispersion très efficace, mais pour le palais de certains d’entre nous, ces fruits, consommés en trop grande quantité, peuvent se révéler être un puissant purgatif. C’est d’ailleurs de là que viendrait le nom de l’espèce unedo, association du latin unum et edo, pouvant être traduit par « je n’en mange qu’un ».

Fruits de l'Arbutus unedo   Arbutus unedo   Arbouses

Ainsi le promeneur du mois d’octobre, devant ce bel arbre qu’est l’arbousier, se trouve face à un véritable spectacle de couleurs, harmonisant branches brunes, feuilles vertes, fleurs blanches, fruits jaune orangé et rouges… Un mélange qui rappelle étrangement l’approche des fêtes de Noël, qui évoque la douce venue d’un hiver que l’on espère clément, pour compenser l’ardeur du soleil d’été…

Lenny Basso
Jardinier et guide-animateur au Domaine du Rayol