Le 30 juillet 2019
Nous voilà désormais en plein cœur de l’été. Les plantes herbacées annuelles ont libéré leurs graines et sont, au Domaine du Rayol, complètement sèches. Le temps est venu de finir de couper ces restes « d’herbes folles » en exportant les déchets de coupe afin de commencer à préparer le sol pour les futurs semis spontanés d’automne, et de lutter contre les risques d’incendies.
Les jardiniers du Domaine ont, depuis plusieurs mois déjà, commencé le désherbage sélectif dans les parcelles, enlevant au fur et à mesure les plantes en fin de cycle végétatif afin de mettre en valeur les végétaux pérennes. Sur certaines parcelles, notamment celle de l’ancien verger, les restanques du haut commençaient à sérieusement se refermer, avec apparition de végétaux ligneux, comme le chêne-liège, et de très nombreux ronciers. Du coup, cette partie du verger, embroussaillée, ne pouvant rester dans cette situation, il a été décidé d’agir. La question s’est donc posée de savoir s’il fallait intervenir à la débroussailleuse thermique ou à la tondeuse, le risque étant de perturber grandement la faune locale, alors qu’une tortue d’Hermann avait été observée dans cette partie du jardin. La solution a donc consisté à créer un parc, pour y faire pâturer les trois ânes que compte le Jardin.
Leur action est beaucoup plus douce et leur impact sur la faune quasi inexistant. Au contraire, en débarrassant la parcelle des nombreuses graminées, ils ont permis une meilleure circulation de tous les animaux occupant cette parcelle. De plus, en broutant autour des jeunes ligneux, ils les ont bien mis en évidence, facilitant, de fait, l’accès et le travail pour les jardiniers. Autre avantage, non négligeable pour nous qui réalisons notre propre compost, les ânes ont tendance à crotter toujours au même endroit, on appelle cela des crottiers. Non seulement, c’est beaucoup plus pratique à récolter pour l’intégrer au tas de compost mais surtout, cela évite un enrichissement en azote de la parcelle, ce qui appauvrirait la biodiversité végétale, en favorisant surtout les graminées et les espèces nitrophiles.
Le pâturage par les ânes est donc un très bon moyen de « faucher » une parcelle, sous réserve bien évidemment de respecter certaines règles de bon sens.
La première est de surveiller régulièrement l’état de la pâture afin de ne pas laisser les animaux trop longtemps au même endroit. Ceci est facilement observable car les ânes sont certes des animaux gourmands, mais ils sont très sélectifs concernant le choix de leur alimentation. Ils vont en priorité s’attaquer aux diverses graminées, surtout celles qui sont en fleur, cannes de Provence comprises. Toutes les fabacées seront aussi broutées en priorité. Les ânes varient leur alimentation en ingérant de la matière sèche, comme l’herbe sèche, les feuilles de chêne et même les aiguilles de pin… Ah j’oubliais : la salsepareille et le calicotome sont une friandise pour les ânes ! Une fois que la parcelle commence à être « nettoyée », il convient de changer de parc assez rapidement car, sinon, les animaux vont commencer à s’attaquer à certains arbres et même aux écorces. A ce stade, on peut commencer à parler de surpâturage, et l’impact sur la biodiversité commence à être négatif. Il est grand temps de laisser reposer cette pâture pendant quelques mois.
La seconde règle est de toujours considérer que malgré tout ce que l’on peut dire et/ou entendre sur les ânes et leur prétendue « bêtise », ces animaux sont dotés d’une grande intelligence et d’une capacité d’analyse de la situation. Dans une propriété, où l’on souhaiterait faire pâturer ces herbivores, il faudra songer à protéger certaines espèces si l’on ne veut pas qu’elles se fassent grignoter, voire racler jusqu’à la base. Une clôture électrique s’avère dans ce cas particulièrement efficace, pour entourer jeunes arbres, figuiers ou autres fruitiers qui ne manqueront pas d’attiser leur convoitise.
Enfin, dernière règle, mais très importante, il faut toujours veiller à ce que les animaux aient de l’eau et une pierre à sel à disposition. En cette saison estivale, en pâturant une herbe plutôt sèche, nos ânes boivent allègrement 30 litres d’eau par jour.
Voilà donc une manière écologique, économique et pédagogique d’entretenir une ou plusieurs parcelles. Selon le cas et la configuration du site, d’autres herbivores seront peut-être plus appropriés que nos amis à grandes oreilles. Le choix est vaste : mouton, chèvre, cheval, lama… Nos alliés sont nombreux à pouvoir nous aider dans cette tâche.
A titre d’exemple de l’impact bénéfique de cette forme de gestion, l’année dernière, Noémie Riou, volontaire en service civique au Jardin, a réalisé un inventaire de la flore de l’ancien verger en séparant la parcelle pâturée et celle qui ne l’était pas. Ces parcelles sont côte à côte et bénéficient de la même exposition. Résultat : sur la parcelle régulièrement pâturée, environ 70 espèces de plantes ont été inventoriées alors que sur celle d’à coté, qui n’avait pas été pâturée depuis 2010, seulement 50 espèces ont pu être inventoriées.
Laurent Amalric
Responsable de la Pépinière du Domaine du Rayol