Le 18 décembre 2018
L’hiver… L’hiver et ses matinées glacées, l’hiver et ses journées écourtées, l’hiver et son vent transperçant… Et pourtant ! L’hiver et sa lumière ! Quelle lumière ! Des variations de roses, de rouges, d’orangés…, des nuages qui viennent s’en imprégner pour colorer leurs longues traînées, et nous donner le sentiment que le ciel entier est en train de s’embraser. L’hiver peut être rude, sa lumière l’en excuse.
Ce sont ces journées où le temps semble s’être arrêté tant et si bien que l’on a l’impression qu’il se trame quelque chose de louche. Il fait froid. Le vent est complètement tombé. Pas un bruit… Les oiseaux ne se sont pas remis pour autant à chanter… Le froid peut-être.
Le simple fait de marcher sur des feuilles et des branchages morts nous culpabilise, nous donne l’impression de venir brutalement rompre avec cette quiétude que cherche à instaurer la nature. Il y a quelque chose de cérémonieux, de mystique, voire même de théâtral.
Le rideau se lève. Des faisceaux de lumière filtrent du feuillage des arbres. Des halos lumineux se dessinent sur le sol. La pièce commence.
Alors si, l’été, la strate arborée fait office de parasol, l’hiver, elle filtre délicatement la lumière, offrant des percées lumineuses venant effleurer la strate herbacée du sous-bois, lui donnant profondeur et relief.
Profiter de l’hiver pour « ouvrir le chemin contre cette habitude obstinée de la forêt qui travaille à se refermer »*, tout en gardant à l’esprit que le travail réussi d’un jardinier est le travail qui ne se « voit pas ». Pratiquer la taille douce est généralement le meilleur moyen d’obtenir ce résultat. L’idée va être de remettre en lecture une zone, de savoir ce que l’on veut lui apporter. De la profondeur, de la transparence, du relief. Faire pénétrer les rayons du soleil de manière diffuse va aider dans l’obtention de ces caractéristiques. Il va falloir réussir à trouver un juste équilibre. Si l’hiver, nous nous délectons de cette lumière, l’été, nous fuyons ces agressifs rayons ! Alors commencer par des tailles douces, en travaillant sur l’existant, peut nous amener à trouver ce juste milieu. Ce travail méticuleux va ensuite permettre d’essayer de créer des scènes, de mettre en valeur des endroits précis et choisis, de ne pas tout donner à voir au premier coup d’œil.
Créer une brèche, une faille par laquelle la lumière puisse se faufiler, apaise, rassure. Elle va éclairer ce qui aurait pu, dans la pénombre, nous faire peur.
Vider un pin parasol seulement de son bois mort. Ce pin deviendra en été une véritable ombrière alors que durant l’hiver, la lumière sera diffuse comme au travers d’un vitrail.
Dans ce jeu de mise en scène, il s’agit de créer des interactions, d’attiser notre curiosité, notre sens de l’observation, notre imagination. Il s’agit « d’empêcher que la Nature ne devienne l’arrière-plan d’un selfie »*.
*Baptiste Morizot, « Sur la piste animale » (Actes Sud)
Charles Guerlain
Jardinier au Domaine du Rayol