Le 19 mars 2019
Si l’homme était un animal ayant à hiberner, il serait, en ce moment, en passe de se réveiller.
Blotti sur un épais matelas de feuilles au fond de son jardin, il commencerait, dans un sommeil se faisant de plus en plus léger, à ressentir les signes annonciateurs d’un réveil imminent ! Des journées qui s’étirent, des oiseaux qui se lèvent de plus en plus tôt pour se coucher de plus en plus tard. Des matinées certes fraîches mais des après-midi tellement douces… Trop douces. La pénombre apportée par la grisaille des courtes journées d’hiver s’estompe, laissant quelques traînées nuageuses au milieu d’un bleu parfait fraîchement retrouvé. Il se tourne, se retourne, change de position, son sommeil est perturbé. Il va se réveiller. Et ce sera la soif qui lui fera, une bonne fois pour toutes, ouvrir les yeux. Les pluies et les nuits fraîches, ayant jusqu’à présent gardé l’humidité, ont laissé place à des journées chaudes et parfois ventées. Son hydrométrie a chuté. Il est obligé de se lever pour aller s’hydrater !
Sentiments partagés… Quelle douceur de sortir de ses rêves pluvieux et glacés d’hiver avec des températures avoisinant celles d’un printemps, se rapprochant doucement de l’été. C’est pourtant un réveil peut-être prématuré… Il faut garder à l’esprit que l’objectif est d’emmagasiner quelques réserves pour les saisons à venir. Il va falloir se ménager.
Se ménager tout en ménageant son jardin. Le but serait de trouver la recette idéale, mêlant bon sens et paresse. Le principe à suivre ressort très bien d’une citation de Gilles Clément énonçant que l’objectif est de « faire le plus possible avec la nature et le moins contre ». Utiliser ce qu’elle nous offre et le mettre à profit de la façon qui nous semble être la plus intelligente. Cela doit passer, pour un jardinier, par une phase d’observation qui aboutira normalement à une phase de compréhension. Comprendre où l’on doit planter une plante : en haut ou en bas d’un talus, à l’ombre ou au soleil, beaucoup d’eau ou peu d’eau, dans un sol riche ou dans un sol pauvre. Analyser ses besoins, pour l’intégrer ensuite au mieux dans un projet paysager.
Les fortes pluies de cet automne et la douceur de cette fin d’hiver offrent un travail de désherbage conséquent. Le bon sens voudrait que, dans la mesure du possible, nous le fassions manuellement afin de procéder de manière sélective, mais également d’essayer d’arracher la racine pour ralentir sa repousse. Ce travail de désherbage manuel est certes plus long et fastidieux mais il permet d’apporter une attention particulière à la plante. Bien détourer le collet – pour des végétaux méditerranéens sensibles à l’humidité, c’est important. Refaire une cuvette en prévision des futurs arrosages qui vont certainement arriver plus tôt que prévu. En profiter pour remettre un peu de paillis ou de compost.
Tout cela prend plus de temps, est plus minutieux, mais c’est un véritable gain d’énergie par la suite.
Observer, comprendre, et faire nécessite d’avoir du temps. Alors si la tendance actuelle serait que tout aille vite, elle ne peut coïncider avec le jardinage. La relativité du temps. Si nous avons notre propre échelle de temps, la nature à la sienne. Que ce soit un animal sortant d’un long sommeil ou d’une plante préparant ses premiers bourgeons, prendre son temps devient vital.
Alors en tentant d’être plus attentif, en regardant, écoutant, sentant et touchant ce qu’il y a dans son jardin, nous appréhenderons différemment l’échelle de temps relative à la nature, en remettant éventuellement celle que nous nous sommes créée en question.
Charles Guerlain
Jardinier au Domaine du Rayol