Le 4 juillet 2023
L’Hôtel de la Mer au cours du temps
L’histoire commence au début du XXe siècle
Alfred Courmes, homme d’affaires parisien né à Bormes, achète en 1908 une trentaine d’hectares sur la Corniche des Maures encore complètement sauvage pour y aménager sa résidence de villégiature : un vaste hôtel particulier, dont la construction sera pilotée par l’architecte Guillaume Tronchet de 1912 à 1919. En 1925, profitant de l’essor de la station balnéaire du Rayol, il vend cette villa, qui sera transformée en Hôtel-Casino, « l’Hôtel de la Mer ». Il fait construire la Villa Rayolet à l’est du Domaine.
En 1940, le domaine est acquis par le célèbre constructeur aéronautique Henri Potez, qui, contraint par la guerre d’abandonner ses usines de la Somme, vient se réfugier au Rayol. Il aménage ses bureaux dans l’Hôtel de la Mer qu’il a également racheté, et installe sa famille dans la Villa Rayolet. Les maisons font l’objet d’importants travaux de modernisation sous la conduite de Raoul Minjoz, architecte de la société des aéroplanes Potez.
Après la guerre, le Domaine redevient une villégiature estivale, avant d’être racheté en 1974 par une compagnie d’assurances. Pendant 15 ans sous la seule surveillance d’un gardien, il échappera à de nombreux projets immobiliers grâce à la mobilisation des défenseurs de l’environnement. Le Conservatoire du littoral acquiert le Domaine du Rayol en 1989 pour en garantir la protection
définitive et engager un ambitieux projet de valorisation de ce site remarquable sur les plans paysager, écologique et architectural.
Aujourd’hui, l’Hôtel de la Mer, représentatif de l’architecture balnéaire du début du XXe siècle, marque l’entrée du Jardin des Méditerranées.
Philosophie de la restauration
Extrait de la Notice architecturale du projet de restauration
Philippe Matonti, Architecte du Patrimoine
Restituer un état d’origine ?
Si l’on ne cherche pas à avoir une vision à l’échelle du domaine et des bâtiments qui le composent, on oublie un pan important de l’histoire et de l’évolution du lieu, et plus particulièrement de l’Hôtel de la mer.
A première vue, il peut sembler tentant de vouloir retrouver les dispositions et l’architecture d’origine de l’Hôtel de la mer, c’est d’ailleurs un projet qui avait été proposé dans les années 1990. En effet, quand on observe rapidement les photos anciennes et celles d’aujourd’hui, même en faisant abstraction de l’état de dégradation relativement avancé du bâtiment, c‘est une impression d’appauvrissement général qui domine son architecture. Beaucoup d’éléments ont effectivement été perdus dans la transformation de l’architecte Minjoz dans les années
1940, et il est certain que le bâtiment en a souffert.
Ce serait cependant oublier la vision globale de l’architecte d’Henry Potez à l’échelle du Domaine du Rayol.
L’analyse menée montre que les modifications font très certainement partie d’une volonté réfléchie de sa part de transformer et assagir cette architecture plutôt exubérante du début du XXe siècle pour atteindre une “homogénéité” architecturale plus grande à l’échelle du site, et notamment avec le Rayolet. Il semble donc évident que Minjoz, outre la nécessité de rénover le bâti déjà bien dégradé de l’Hôtel de la mer, n’a pas seulement voulu mettre au “goût du jour” l’édifice. Il a selon toute évidence souhaité créer un dialogue et une plus grande proximité entre les deux villas historiques de l’architecte Guillaume Tronchet en apportant sa propre touche.
Retrouver l’état initial de l’Hôtel de la mer, entrainerait alors la perte de ce lien et de cette nouvelle vision créés par Henry Potez et son architecte.
Rééquilibrer les architectures
Ce qui constitue aujourd’hui l’image de l’Hôtel de la mer n’est plus vraiment l’architecture de Guillaume Tronchet. Mais ce n’est également pas celle de Raoul Minjoz. En fait, l’Hôtel de la mer présente aujourd’hui une architecture issue de ce mélange, des différentes évolutions successives qu’il a connues au cours d’un siècle d’existence.
Il nous semble donc que la voie à emprunter est celle du “rééquilibrage” de ses architectures afin d’obtenir un résultat cohérent, harmonieux et lisible dans le respect de toutes les composantes, en hiérarchisant les éléments en présence.
C’est donc sur la base de la conservation, restauration et mise en valeur des existants que nous proposons d’établir notre philosophie de projet. Le parti d’intervention se développe en plusieurs temps :
1-Restaurer les éléments dégradés par le temps, l’environnement et les interventions inadaptées.
Il s’agit ici de “réparer” l’édifice quand cela est possible, de supprimer ou estomper les apports non valables et sans intérêt venant nuire à la lecture de l’architecture. C’est essentiellement le cas des linteaux béton qui ont fortement “balafré” le bâtiment et ses modénatures. Dans ce cas précis, il est souhaitable de retrouver les continuités de corniches et bandeaux tout en venant recouvrir les linteaux béton par un enduit.
Cela sera également le cas des couches de badigeons et peinture récentes à l’état de vestige ou très usées et nuisant à l’image générale de l’édifice. Elles seront supprimées pour retrouver l’épiderme d’origine encore présent.
2- Retrouver une cohérence architecturale intrinsèque à l’édifice et à ses volumes.
Cela sera notamment le cas pour les enduits et badigeon d’origine. Retrouver une teinte claire de l’édifice semble être intéressant pour mieux appréhender son architecture et la pensée qui a procédé à sa conception : des volumes purs et lumineux se détachant de la végétation ambiante. Cette intervention sera cohérente avec le fait de retrouver la lisibilité de la frise grecque supérieure. Néanmoins, pour rester dans l’esprit de l’époque Potez et rester cohérent avec les autres aménagements de cette même époque conservés (claustra en terre cuite), une teinte ocre jaune clair sera retenue.
3- Mettre en valeur les vestiges et traces de ses dispositions d’origine.
Ce sera le cas des bas-reliefs et des éléments de frises encore en place. Pour la frise, les vestiges étant nombreux et bien documentés, il est proposé de retrouver sa lisibilité sur l’ensemble de la périphérie du couronnement.
Il semble également intéressant de restituer l’acrotère disparue de l’aile Nord, élément conservé par Minjoz, et jouant un rôle important dans l’architecture de la conciergerie.
Concernant les traces des guirlandes, il s’agira de les conserver sous le nouveau badigeon.
Le programme de restauration
L’Hôtel de la Mer s’était considérablement dégradé avec le temps. La restauration du bâtiment a visé à garantir sa sauvegarde et à retrouver sa qualité architecturale mise à mal par le temps.
Le programme de travaux a permis :
– la reprise et consolidation de la structure des 3 bâtiments,
– la suppression des dégradations visibles sur les façades et la réfection générale des badigeons,
– la restauration des menuiseries, frise et bas-reliefs.
Les acteurs du projet
Maîtrise d’ouvrage : Conservatoire du littoral
Avec l’appui de l’Association du Domaine du Rayol pour le suivi du chantier
Une dizaine d’entreprises régionales ont travaillé de concert pour redonner son lustre à l’Hôtel de la Mer.
Maîtres d’œuvre :
– Agence MATONTI-POLITI, Architecture et Patrimoine (Marseille)
– BET Structure : i2C (Allauch-13)
– Économiste / OPC : Cabinet MDCE Economie (Sanary-sur-Mer)
– Restauratrice en peinture : L. Van Ysendyck (Marseille)
Entreprises de travaux :
– Échafaudage : SOPROVISE (Boulbon-13)
– Maçonnerie-Ravalement Compagnons de Castellane (Marseille)
– Étanchéité : Apsytech (Toulon)
– Menuiseries bois : Les Métiers du Bois (Pertuis-84)
– Peinture bois : Sériès Peinture (Marseille)
– Menuiseries métal : PROFERRO (Malijai-04)
– Restauration des décors : Atelier J-L. Bouvier (Les Angles-30)
L’Hôtel de la Mer avant et après travaux
La façade nord
La façade sud
La façade sud-est
Les menuiseries
La frise grecque
Les bas-reliefs