Le 3 décembre 2020
Henry Potez, pionner de l’aéronautique
Henry Charles Alexandre Potez est né à Méaulte le 30 septembre 1891, dans la minoterie familiale, dite « Le Moulin du Vivier », exploitée depuis 1823. Son père, Charles Octave Marie Potez, est déjà un industriel d’importance et est nommé en 1903 conseiller général du canton d’Albert. Pendant cette période, il fonde l’Ecole professionnelle de mécanique d’Albert. Sa mère, Célestine Marie Leduc est fille de négociants.
Passionné d’aviation, Henry fait ses études à l’École Nationale Supérieure de l’Aéronautique et de Construction Mécanique de Paris. L’aéronautique en est encore à ses balbutiements mais déjà, pendant la Première Guerre mondiale, il invente avec Marcel Dassault l’hélice Eclair, qui équipera les chasseurs SPAD de 1916 à 1918. Après la guerre, il crée sa propre société et fonde sa première usine, la Société des Aéroplanes Henry Potez, avant tout destinée à l’aviation civile.
En 1917, il se marie avec Marielle Jeanne Gaigneau. Ce n’est pas un mariage d’amour et il s’éprend peu après d’Alice Hélène Koeune, son assistante. De 1930 à 1935, l’usine emploie 3 200 personnes : il s’agit de la plus grande usine aéronautique du monde et elle a vu naître 48 types d’avions nouveaux. Par la suite, au moment de la déclaration de guerre, l’usine de Méaulte fournit un millier de « Potez 63 » à l’armée française. De 1940 à 1945, Henry Potez déménage le siège de sa société au Rayol et fait venir ses plus proches collaborateurs1, dont notamment Abel Chirac, son directeur financier, le père de Jacques Chirac. Antoine de Saint-Exupéry, dans son récit Pilote de guerre, évoque ses missions à bord d’un Potez 63.
L’achat du Domaine du Rayol
Appréciant l’art, Henry Potez a constitué, en particulier entre les deux guerres, une importante collection d’œuvres d’art moderne, notamment de la peinture impressionniste.
Craignant la guerre alors imminente, Henry Potez décide d’acheter une propriété pour mettre sa famille à l’abri. C’est à cette période que Thérèse Courmes décide de vendre le Domaine du Rayol. Son acte de vente à la « Société des aéroplanes Henry Potez » est signé le 2 mars 1940 à Saint-Tropez. Le Domaine est vendu pour 1 700 000 francs.
Sous l’occupation allemande, puis le débarquement
Pendant la guerre, Henry Potez continue, depuis le Rayol, à s’occuper de sa société et de ses trois filiales industrielles installées en zone Nord. Pour occuper son temps libre et également permettre un ravitaillement confortable du Domaine, Henry Potez y développe les activités agricoles et la viticulture. Ainsi, il se rend également propriétaire d’un domaine viticole à La Londe, dit « Le Bastidon » où il cultive la vigne, mais aussi des légumes, et relance l’activité agricole au Domaine : la serre et le verger (on y trouvait des cerisiers, des néfliers, des grenadiers et des poiriers) sont à nouveau exploités.
Michel Goy devient le régisseur et chef de culture du Domaine et Etienne Gola le chef jardinier en 1942, avec une vingtaine de domestiques dont environ 6 jardiniers. A la ferme, on trouvait un poulailler et des cages à lapin.
Dans son autobiographie, Chaque pas doit être un but2, Jacques Chirac évoque le Domaine : « Au Rayol, où Henry Potez a décidé de transférer le siège de sa société, après avoir fermé ses usines de Méaulte à l’arrivée des Allemands, nous habitons une charmante villa, La Farandole, proche de son domaine où mon père et lui continuent de travailler. En réalité, tous deux n’ont plus grand-chose à faire, en dehors de jouer au bridge et de commenter l’actualité. Un jour où ils prennent le soleil en fumant, sur la grande terrasse face à la mer, j’entends mon père déclarer à Henry Potez : « Les Allemands, de victoire en victoire, vont à la défaite finale ! ». »
La tranquillité au Rayol ne dure pas longtemps car la guerre s’étend rapidement jusqu’au sud de la France. Dans le secteur, l’essentiel de la défense est concentré sur le Cap Nègre. Les Allemands occupent également divers points stratégiques au Canadel et au Rayol. En septembre 1943, Henry Potez est arrêté par la Gestapo et mis en détention à Marseille. Son épouse réussit à le faire libérer pour raison de santé et sous réserve que son mari reste au Rayol en résidence surveillée, jusqu’en mai 1944.
La libération débute avec le débarquement de Normandie le 6 juin 1944. Dans la nuit du 14 au 15 août 1944, les plages de la commune du Rayol-Canadel servent à l’opération Anvil Dragoon, nom de code donné au débarquement sur les côtes de Provence, réalisé par les Commandos français d’Afrique du Nord, la « Romeo Force ». Les familles Potez et Chirac se trouvent aux avant-postes de cet événement historique.
Le Domaine du Rayol après la guerre : une résidence de vacances
Après la guerre, la famille Potez quitte le Rayol. Le Domaine devient un lieu de villégiature estival. Les jardiniers faisaient en sorte que tout soit fleuri pour leur arrivée. Henry Potez était très exigeant sur l’entretien de sa propriété, il passait beaucoup de temps avec les jardiniers. L’Hôtel de la Mer n’est plus beaucoup utilisé après-guerre, si ce n’est pour des réceptions ou réunions exceptionnelles, et pour loger quelques membres du personnel.
Poursuivant la structuration de son jardin, Henry Potez, entre 1945 et 1950, fait construire, dans l’axe de la pergola, un long escalier en pierre locale bordé de cyprès, dans le but de masquer des dégâts causés par la guerre. Désormais, ce lieu ouvre une perspective et dégage l’horizon selon une descendante majestueuse.
Devant la façade nord de la Villa Rayolet est ajouté un jardin « à la française », évoquant un trou de serrure.
Devant la ferme et la pergola, des parterres géométriques sont aussi agencés avec des petits cailloux de couleur dessinant diverses formes : rosace, polygone étoilé, croissant, blason, aile de papillon stylisé.
Le reste du jardin est très entretenu, notamment ses allées et chemins, aux abords desquels il aménage des rocailles, encore visibles aujourd’hui, où sont plantées des fleurs. Jardin et architecture se retrouvent donc étroitement liés. On peut discerner l’influence du style moderniste des années 1920-1930 ou encore l’impact de l’Exposition internationale des arts décoratifs et industriels modernes de 1925 à Paris.
Parallèlement à ces travaux, Etienne Gola prolonge l’œuvre des Courmes : non seulement il développe l’activité agricole, mais il enrichit également le domaine avec des plantes rares : un inventaire réalisé en 1948 établit une liste de 400 espèces exotiques3.
Achevée aux alentours de 1949, la Maison de la plage remplace l’ancien garage à bateau des Courmes.
Dans les années 1960, la propriété est peu à peu abandonnée. En 1974, Henry Potez, faute de moyens pour l’entretenir correctement, décide de mettre en vente le Domaine du Rayol.
Jeanne Pottier
Volontaire en service civique
Article rédigé d’après les recherches de Laurence Schlosser en 2018
1 Se référer à Stéphane DEMILLY et Sylvain CHAMPONNOIS : Henry Potez, une aventure industrielle. Privat, 2016.
2 Paris, Nil, 2009.
3 GRILLET, Jean-Philippe, CLEMENT, Gilles, Le Domaine du Rayol, Oser les Méditerranées. Actes Sud, p.105-106.
Photo de couverture : Le Rayolet et son jardinet à la française du temps des Potez, vers 1945-50 © Archives Domaine du Rayol
Pour en savoir plus :
« Le Domaine du Rayol, Oser les Méditerranées » (Acted Sud)
Un voyage sensible de 1900 à nos jours à la découverte du Domaine du Rayol.
De Jean-Philippe Grillet et Gilles Clément.
Recherches documentaires de Laurence Schlosser.
Photographies de Pascal Tournaire.
39 € TTC. En vente à La Librairie des Jardiniers.