Le 29 août 2017
Nous sommes bien dans le bassin méditerranéen, le Pistachier lentisque (Pistacia lentiscus) y est une plante endémique. Le maquis, en Corse se dit « macchia », que l’on peut traduire par « tâche ». Le maquis est donc une multitude de tâches vertes, nuancées en fonction des espèces de végétaux. Durant la saison estivale, Pistacia lentiscus est un des seuls végétaux à garder sa couleur vert-vif.
Au milieu d’un paysage lunaire, on aperçoit des petites tâches…
Une bonne partie de l’équipe du Domaine du Rayol a prêté main-forte, lors d’une journée de bénévolat au Cap Taillat (qui a subi le passage du feu en juillet 2017) pour le nettoyer. Nous avons été très surpris d’apercevoir quelques touffes verte-rougeâtre au milieu des branches calcinées. En regardant de plus près, ce sont les feuilles du pistachier lentisque. Quelle énergie ! Environ un mois après le passage du feu, celui-ci repart en végétation. Le mois dernier, on a parlé de l’adaptation au feu du chêne-liège (plante « pyrophyte »). C’est la même chose pour le Pistachier lentisque. Il n’a pas de liège, mais plutôt un « lignotuber ». Si on décompose le mot « lignotuber », on a « ligno » qui fait référence à la lignine, un des tissus fabriqué par le végétal (ceux qui produisent du bois). Et on a « tuber », chez une plante, un organe tubérisé est un organe de réserve sous-terrain, tel que le tubercule de la pomme de terre. Un lignotuber est donc un tronc souterrain (plus ou moins sphérique) servant de réserve et de protection. Si le feu passe, les branches qui sont dans la partie aérienne brûlent, mais le végétal reste en vie. Le Lentisque nous épate par sa capacité à repousser aussi vite après le passage du feu, alors que l’eau est de plus en plus absente ces derniers mois, et même ces dernières années…
C’est même durant la saison estivale, que chez le Pistachier lentisque (la saison la plus difficile pour les végétaux de climat méditerranéen), on peut observer des jeunes pousses tendres, bronzant au soleil.
Une famille regroupant plus de 70 genres
Notre ami Lentisque à plusieurs cousins, le Pistachier vrai (Pistacia vera) connu pour nous fournir de très bonnes graines comestibles ! Le Pistachier térébinthe (Pistacia terebintus), dont le bois dur est très recherché en ébénisterie. Ce sont des Anacardiaceae, famille qui serait apparue il y a environ 75 millions d’années et regroupant environ 70 genres et 600 espèces différentes. Le genre Pistacia (dont les feuilles dégagent une odeur caractéristique) regrouperait 12 espèces différentes réparties sur Terre. Le lentisque est un arbuste qui peut faire jusqu’à 5/6 m de haut. Sa floraison dioïque (c’est-à-dire des sujets avec des fleurs mâles et d’autres avec des fleurs femelles) est très discrète et ses fruits sont murs à partir du mois d’octobre. On peut l’apercevoir à côté de son cousin Térébinthe. Ce dernier va plus se développer sur les sols calcaires et plus humides alors que le lentisque se contentera d’un sol acide, bien sec et drainé.
L’histoire des marins des Maures
En Provence, on dit que le pistachier donne des fruits aphrodisiaques. Cela explique sans doute le surnom de pistachier que l’on donne aux « coureurs de jupon ». Connaissez-vous l’histoire des marins des Maures ? Il paraît que ces fameux marins partaient sur les bateaux avec une partie de la plante (sûrement le mastic ou les fruits). Quand ils rejoignaient le rivage, ils avaient une certaine capacité à accoster la gente féminine ! Pistacia lentiscus entretenait la dentition de ces derniers. Des marins avec une belle dentition, quelle fureur !
Des utilisations diverses
D’ailleurs, le lentisque est aussi appelé « l’arbre à mastic ». Le mastic est le résultat de l’incision de l’écorce du tronc. La sève en s’écoulant, va s’agglomérer pour former le mastic. Il est utilisé depuis l’Antiquité. Aujourd’hui, il est obtenu dans les régions méditerranéennes orientales. En le mastiquant, il parfumera l’haleine et raffermira les gencives. Pour les gourmands, le mastic aromatise des desserts et des liqueurs. Le mastic de l’île de Chios est connu pour sa grande qualité. Sa culture traditionnelle a été inscrite au patrimoine culturel immatériel de l’humanité par l’UNESCO en 2014. Sur l’île de Skopelos (nous sommes toujours en Grèce), les jeunes pousses sont confites dans du vinaigre et consommées comme condiments.
La plante est utilisée en médecine traditionnelle pour soigner les problèmes liés à l’estomac tels que les ulcères. Elle calme les vomissements et les flatulences, aide à la digestion, etc. Une étude scientifique a prouvé que le mastic est capable de tuer la bactérie Helicobacter pylori (qui est responsable des gastrites chroniques, des ulcères duodénaux). Elle est aussi utilisée pour lutter contre les maladies respiratoires. Avec ses graines, est confectionnée une huile végétale, que l’on peut consommer et qui a un usage médicinal. En aromathérapie, c’est une huile essentielle qui a les mêmes vertus citées ci-dessus (avec avis médical) et des vertus décongestionantes importantes, du système circulatoire veineux et lymphatique, de la sphère ORL.
Assez intrigant, la globalité des végétaux ayant évolué dans un milieu où le feu fait partie du climat, font un très bon bois de chauffage !
Les jardiniers du Domaine du Rayol